Collage

Comme toute construction, celle du vaisseau repose sur des plans, qui, dans notre cas, ne sont pas encore dessinés à la date de ce billet. Seule existe une vague définition de ce qu'il sera, à savoir, une sorte de matriochka navigant sur les mers, pouvant observer la Terre depuis les airs et explorer les eaux, tout en ayant un regard sur notre planète depuis l'espace.

Pour le passage de la définiton à la réalisation, le choix se porte sur l'approche expérimentale, lors des trois phases que sont la maquette, le prototype et la réalisation finale. La maquette est utilisée pour définir précisément le vaisseau, et le prototype sert à rédiger le dossier de fabrication, dont la réalisation finale en est l'expression matérielle. Quatre principes de base servent de guide, à savoir :

  • laisser l'intuition indiquer la direction ;
  • utiliser la déduction pour tracer la voie ;
  • exiger la plus faible empreinte écologique lors de la fabrication ;
  • et veiller à ce que l'aspect juridique ne condamne pas le voyage.

Pour ma part, l'intuition se manifeste plus facilement en absence d'activités intellectuelles, et en particulier, en pleine nature. Elle s'exprime par vision, où un simple regard sur un composant projette son image dans la construction mentale de l'objet à réaliser, un peu comme le ferait un dessinateur sur un poste de CAO/DAO, mais sans les tracas de l'utilisation de l'informatique. De ce fait, elle est très active lors de la fabrication d'une maquette, surtout, quand sont bannis les instruments de mesure et de calcul.

La déduction est une activité très rationnelle, qui intervient surtout lors de la conception du prototype. Elle commence souvent sur une feuille de papier quadrillée (carreaux de 5 mm), afin d'alterner les dessins à main levée et les calculs. Elle se poursuit sur l'ordinateur pour bénéficier de sa capacité à reproduire rapidement des séquences d'opérations (calculs ou instructions de dessin). Elle se termine lors des essais en comparant les résultats aux prévisions.

L'exigence sur l'empreinte écologique la plus faible détermine les technologies utilisées lors de la fabrication de la maquette, du prototype et de la réalisation finale. L'exemple suivi est celui du coracle. En effet, cette embarcation se compose d'une ossature en branches tréssées, recouverte de cuir enduit de goudron d'origine végétal. Ces matériaux sont directement extraits de l'agriculture et de l'élevage. La reconstitution de leur ressource est annuelle, ce qui est très court comparé à celle du pétrole utilisé dans la production des plastiques ou des métaux. Le recours aux dérivés végétaux, comme le bois, le carton, ou le PLA, s'impose, car s'il semble paradoxal de limiter l'empreinte écologique en coupant un arbre, c'est oublier que la gestion durable des forêts, en a déjà planté un autre pour le remplacer.

L'aspect juridique est avant tout une contrainte qui n'a d'existence que s'il est possible de l'appliquer.

Illustrons ce propos. Qui est responsable en cas de choc succédant à la téléportation de deux individus ? Supposons qu'un homme soit devant la statue de Stanislas à Nancy et une femme devant le Capitole à Toulouse. Tous les deux décident de se téléporter au même moment devant la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Le choc est inévitable. Qui en est responsable ? Que dit la loi ? Elle ne dit rien, car, aujourd'hui la téléportation des êtres humains n'est pas possible, donc le cas n'est pas envisageable. Maintenant, si l'homme et la femme avaient pris leur voiture et s'étaient entrechoqués au niveau de la Place de l'Étoile, là, la loi aurait pu statuer sur la responsabilité de l'un ou de l'autre. La fiction, qui vient d'être raccontée, exploite une impossibilité technique. Mais il existe aussi des cas où la loi s'interdit de s'appliquer, comme les vides juridiques, où la possibilité technique n'a pas été encadrée juridiquement, ou les non-lieux, où les éléments portés à la Justice sont insuffisants pour qu'elle ne se prononce.

Quand il s'applique, l'aspect juridique sanctionne par l'amende et la privation. Cette dernière commence par la confiscation, éventuellement suivi de la destruction du bien mis en cause, et se poursuit dans la restriction des libertés, jusqu'à l'emprisonnement. Ignorer la loi, c'est prendre le risque de voyager à court terme : ce qui, pour une pérégrination, n'a strictement aucun intérêt.