Olivier, C. PONS : Bonjour Esteban, vous êtes un jeune ingénieur, pouvez-vous nous présenter votre école et ce que vous envisagez comme carrière ?
Esteban DECLINE : Bonjour Olivier. Je suis diplômé de l'IPSA (L'Institut polytechnique des sciences avancées), une école d’ingénieurs spécialisée dans l’aérospatiale. J’ai choisi une majeure me spécialisant dans les systèmes spatiaux (propulsifs, mécaniques ou thermiques). Ces choix avaient pour objectif d’apprendre à concevoir les grandes phases d’une mission spatiale à partir de la définition du besoin. J’ai ainsi appris à dimensionner un lanceur, un satellite, des moteurs spatiaux de types variés, ou encore à calculer des trajectoires interplanétaires. Je travaille aujourd’hui pour ArianeGroup sur le guidage de lanceurs spatiaux, et j’aimerais un jour étendre mes compétences sur la conception de satellites ou de systèmes propulsifs.
OP : Vous avez développé une charge utile destinée à être transportée par un CubeSat. Pouvez-vous dire à nos lecteurs ce qu'est une charge utile, et la particularité de celle que vous avez conçue ?
ED : Bien sûr. Une charge utile est la partie du véhicule qui sert directement à atteindre les objectifs de la mission prédéfinie. Par exemple, la charge utile d’un lanceur est le satellite d’observation qu’il transporte, et la charge utile de ce satellite est sa caméra. Toute mission spatiale doit donc prévoir une charge utile, en plus des autres équipements nécessaires à sa mise en œuvre (panneaux solaires, moyens propulsifs, antennes…). Dans notre cas, la charge utile est un compteur de poussière cosmique. Son objectif est de déterminer la densité de cette poussière dans l’espace entre la Terre et la Lune. De dimensions réduites (un pavé de quelques centimètres), il est conçu pour s’intégrer facilement à un CubeSat 2U (deux cubes de 10 cm de côté), lui-même situé au centre d’un voilier solaire. Sa particularité est d’utiliser un faisceau laser pour détecter le passage des grains de poussière (les autres technologies se basent généralement sur les effets des impacts des particules, lesquelles s’ionisent ou génèrent une décharge électrostatique mesurable).
OP : Je vois que c'est un projet d'équipe qui vous a occupé pendant une bonne partie de votre scolarité, et qui s'inscrit parfaitement dans la surveillance de la pollution anthropique. Est-ce qu'au moins, vous et vos co-équipiers, l'avez présenté à des congrès ?
ED : C’est vrai, nous avons tous les trois travaillé sur ce détecteur pendant environ 4 mois dans le cadre de notre projet de fin d’études à l’IPSA. Bien que n’étant pas destiné à la pollution anthropique mais plutôt à une pollution "naturelle" de poussières interplanétaires, son circuit imprimé est une réadaptation d’un capteur de contrôle atmosphérique existant. Ce dernier est un capteur de particules fines en suspension utilisé pour mesurer la qualité de l'air (pollens, poussière, cendres, spores de moisissure...), n’étant donc pas prévu pour fonctionner dans le vide.
Le Payankeu Dust Counter (PDC) a fait l’objet de deux présentations à des congrès : le 73° IAC 2022 à Paris pour l’étude de faisabilité, et le 34° ISTS à Kurume City en 2023 pour le prototype réalisé à l’IPSA.
OP : Quelle suite envisagez-vous pour votre compteur de poussière ? Restera-t-il un projet d'étudiant oublié sur une étagère ou volera-t-il un jour ?
ED : La pire chose qu’on puisse lui souhaiter est d’attraper la poussière sur une étagère. Non, si Payankeu se concrétise, le PDC volera avec lui. Dans le pire des cas, on pourrait imaginer de l’intégrer à un autre projet étudiant de satellite, en modifiant ses caractéristiques si nécessaire. Une chose est certaine : je ferai tout pour que la première option se réalise. Et je sais que toute notre équipe est également de cet avis. Ainsi, j’espère qu’un jour, il pourra contribuer activement à la compréhension de l’environnement spatial et à la sécurité des futures missions.
OP : Un vol en voilier solaire est une entreprise fortement hasardeuse : cette technologie est encore au stade expérimental. Tout en continuant l'étude de ce vaisseau du futur, si vous aviez la possibilité d'embarquer votre compteur de poussière pour une orbite polaire dans la thermosphère, saisiriez-vous l'opportunité ?
ED : Absolument, je sauterais sur l'occasion d'embarquer le compteur de poussière en orbite polaire dans la thermosphère. Même si la voile solaire représente une avancée technologique fascinante, un vol en orbite polaire offrirait un environnement plus stable pour tester le compteur dans des conditions proches de celles rencontrées dans l'espace lointain.
La thermosphère est un excellent terrain d'expérimentation pour comprendre comment le compteur réagit aux impacts de poussières cosmiques, ainsi qu'aux radiations et aux variations thermiques.
De plus, en orbite polaire, nous pourrions obtenir une couverture globale, permettant de collecter des données sur les poussières à différentes latitudes et conditions.
Cela renforcerait notre compréhension du comportement des particules autour de la Terre, une connaissance qui serait précieuse pour de futures missions spatiales, notamment en voile solaire.
OP : Merci Esteban pour votre témoignage.
ED : Merci à vous pour l'opportunité de partager mon expérience !
Je suis ravi d'avoir eu l'occasion de discuter de mon projet de compteur de poussière et de partager les détails de cette aventure fascinante.
Concevoir une charge utile pour un CubeSat et explorer de nouvelles technologies est à la fois un défi et une opportunité excitante.
Le soutien et l'intérêt de collègues, de professeurs, et d’associations comme l’U3P permettent de rendre ces projets possibles et d'ouvrir la voie à de futures innovations dans l'exploration spatiale.
Pour avoir des nouvelles du PDC, ce sera sur le blog de la voile solaire Payankeu payankeu.re , qui communique toutes les avancées du projet. Merci encore pour votre attention et votre soutien.
une réaction
1 De Leymarie - 03/09/2024, 06:13
Même pour des néophytes, c'est clair et très intéressant..Merci !