Le 22 décembre 1974, la souveraineté de l’archipel des Comores est scindée en deux : la République Française dirige Mayotte, et l’Union des Comores gouverne les trois autres îles. Malgré deux référendumsii et une départementalisation, l’Union n’accepte pas la situation et revendique toujours l’appartenance de Mayotte aux Comores.

Or, La France n’a pas l’intention de la lui céder. L’île est un emplacement privilégié dans l’Océan Indien pour sécuriseriii la route maritime, qui relie les pays du Golfe au monde occidental. Des pirates sévissent au nord de l’archipel, entre la Tanzanie et Oman.

Pendant que les deux états riverains s’adonnent à ce bras de fer depuis moins d’un demi siècle, les kwassas opèrent un ballet régulier sur les 115 km qui séparent l’île d’Anjouan de Mayotte. Conçues pour la pêche côtière, ces embarcations transportent, à chaque trajet, une douzaine de passagers, voire trois fois plus, sans la moindre sécurité.

Elles maintiennent un flux migratoire avec :

- d’un côté les futurs esclavesivvvi des pays du Golfe quittant le continent africainvii ;

- et de l’autre, les ressortissants de l’Union des Comores qui se rendent à Mayotte.

Ces-derniers vont jusqu’à livrer leurs enfantsviii aux rues mahoraises avant d’être expulsés.

Plus récemment, l’Union des Comores refuse le retour de ses ressortissants, s’ils ont été jugés en situation illégale à Mayotte, encombrant ainsi les prisons mahoraises et bloquant les services de migration.

Par ces deux actions, la démographie naturelle, déjà positive, est accentuée par l’immigration. Et comme tout ce qui vit est voué à mourir, la croissance de la population s’accompagne de celle du nombre de décès.

En 2014, l’estimation moyenne de morts quotidiens est passée de quatre à cinq. Or, équipées de deux tiroirs réfrigérés, la morgue actuelle, ne peut accueillir au plus quatre corps, si les morphologies permettent un rangement en tête-bêche. D’où mathématiquement, un cinquième défunt ne pourrait pas être pris en charge.

De plus, la faucheuse n’est pas constante dans son ouvrage. Un jour elle prendra une âme et le lendemain, neuf s’en iront, préservant ainsi la moyenne quotidienne des cinq morts.

Mais pour la morgue, il en va autrement. Le premier jour, elle accueillera le premier corps, et le lendemain, elle se limitera à trois, voire quatre, en fonction de l’inhumation de celui de la veille. Les autres corps n’y seront pas conservés.

Pour les autorités, les installations mortuaires sont plus que suffisantes. Or la théorie le dément et la réalité le contredit, et ce malgré les nouvelles mesuresix prises par le gouvernementx. Depuis 2006 un conteneur réfrigéré sert de morgue provisoire, le corps d’un nourisson a été égaréxi, et les tombes sauvages ont commencé à fleurir le long des routes.


Notes :

i Bosher Samuel, 18 avril 2018. Le préfet mis en demeure d’expliquer l’absence de morgue à Mayotte – Pompes funèbres : l’État estime que le territoire n’a pas besoin de chambre funéraire. France Mayotte Matin, N° 1753, p2.

ii 18 janvier 2010. Sarkozy : «Mayotte, c'est la France» [en ligne]. Le Parisien, http://www.leparisien.fr/politique/sarkozy-mayotte-c-est-la-france-18-01-2010-782349.php .

iii JEGO Yves, 28 mars 2008. Déclaration de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur les droits souverains de l'Etat français sur les 11 millions de km2 d'espaces maritimes et sur les missions de défense et de sécurisation de la marine nationale, Mayotte le 28 mars 2008 [en ligne]. Vie publique, http://discours.vie-publique.fr/notices/083001002.html

iv 30 janvier 2018. Un réseau de trafiquants d’êtres humains démantelé [en ligne]. Gouvernement.km - Portail officiel du gouvernement de l'Union des Comores, https://www.gouvernement.km/actualites/un-r%C3%A9seau-de-trafiquants-d%E2%80%99%C3%AAtres-humains-d%C3%A9mantel%C3%A9-806.html

v Mohamed Youssouf, 26 mars 2018. Démantèlement des réseaux de Kwassa à Anjouan [en ligne]. Al-watwan, https://alwatwan.net/flash-info/d%C3%A9mant%C3%A8lement-des-r%C3%A9seaux-de-kwassa-%C3%A0-anjouan-2417.html .

vi Service de communication et de documentation, 28 mars 2018. COMORES- Démantèlement de réseaux de Kwassa à Anjouan [en ligne]. Regional Maritime Information Fusion Center, http://crfimmadagascar.org/migration-illegale-trafic-detre-humaine-par-voie-maritime/comores-demantelement-de-reseaux-de-kwassa-a-anjouan/

vii Le 29 janvier 2018, Monsieur Mohamed Daoudou, Ministre de l’Intérieur des Comores, annonçait le démantèlement d’un réseau, membre du mouvement Yakutumba, qui opérait entre la République Démocratique du Congo, le Burundi, la Tanzanie, les Comores et Mayottes. L’intervention a eu lieu au moment où deux passeurs s’apprêtaient à transférer douze personnes d’Anjouan à Dzaoudzi.

viii Brut. France télévision, 09/03/2018. À Mayotte, plus de 3 000 enfants sont livrés à eux-mêmes dans la rue [en ligne]. Franceinfo, https://www.francetvinfo.fr/sante/enfant-ado/a-mayotte-plus-de-3-000-enfants-sont-livres-a-eux-memes-dans-la-rue_2648552.html

ix Bosher Samuel, 18 avril 2018. Le gouvernement veut réactiver le Groupement d’Intervention Régional – Sécurité : un service entièrement dédié à la lutte contre l’immigration. France Mayotte Matin, N° 1753, p4.

x Payet Nicolas, 19 avril 2018. Edouard Philippe dévoile le « Plan pour l’avenir » de Mayotte [en ligne]. Zinfos 974, https://www.zinfos974.com/Edouard-Philippe-devoile-le-Plan-pour-l-avenir-de-Mayotte_a126701.html .

xi AFP, 16 août 2012. Bébé décédé à Mayotte : le Défenseur des droits se saisit de l’affaire [en ligne]. L’express, https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/bebe-decede-a-mayotte-le-defenseur-des-droits-se-saisit-de-l-affaire_1150144.html.