L'auteur de l'appel en plein repas du soir est le consultant aux yeux pétillants qui était avec le DAF dans le bureau de la comptabilité, sauf qu'à cet instant il n'était plus consultant, mais salarié en CDD. La capacité de commander la totalité du personnel administratif lui était accordée, sans pour autant s'opposer à un contrat consenti par l'ensemble des propriétaires. Son profil se rapprochant du tiers présenté dans Rumeurs ou comment une femme cupide devient vénale, une investigation complémentaire est requise. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que le changement de son statut pose des interrogations. Pourquoi devenir salarié après une vingtaine d'années d'expérience en tant que travailleur indépendant ? Pourquoi avoir choisi un CDD plutôt qu'une extension de mission offrant les mêmes avantages financiers ? Certes, il existe des personnes qui vont de CDD en CDD, car elles n'ont pas envie de gérer la partie administrative d'une entreprise et de ce fait, renonce à en prendre la direction. Mais ici, ce n'est pas le cas. Cher Lecteur, suivons le lièvre... Ok, Lewis Caroll invite Alice à suivre le lapin blanc. Mais dans notre cas, c'est un lièvre qui vient d'être levé.

Il y a quelques années, l'homme aux yeux pétillants s'installe dans la région comme conseiller en gestion d'entreprise. Il aide les directeurs à sortir des situations délicates. Homme d'affaires dans l'âme, quelques temps après, il achète une entreprise prometteuse dans un domaine technique qu'il ne maîtrise pas. Donc, très rapidement, elle devient déficitaire, et là où d'autres auraient liquidé tout de suite l'activité ruineuse, lui, la maintient. Pire, il crée des structures pour faire écran entre lui et elle. Le montage tiendra quelques années, mais en septembre 2023, le juge tranche. La faillite de la société est prononcée, et avec elle, le spécialiste en gestion, se retrouve condamné à 10 ans d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute entreprise ayant une activité indépendante et toute personne morale, car il est mis en faillite personnelle. De facto, il ne peut plus continuer son activité de conseil indépendant. Seule lui reste la voie salariale, et uniquement si le poste n'est pas celui d'une direction. D'ailleurs il soulignera sur son CV en ligne qu'il n'est que chargé de mission, même si le personnel se comporte à son égard comme s'il était un directeur général. L'incohérence entre l'intitulé du poste et les pouvoirs octroyés provoquent une demande par écrit d'une attestation décrivant précisément ses responsabilités. La demande restera lettre morte. Serait-ce un moyen de maintenir des fonctions, celles de diriger indirectement une personne morale, sans en avoir le titre, car sanctionné par la faillite personnelle ? Si tel est le cas, alors ce comportement semble correspondre à la définition pénale de l'escroquerie.

La question suivante est la raison de vouloir un pouvoir de décision ? En effet, ce qui correspond le mieux au métier de consultant est bien le chargé de mission. Il collecte des informations, les analyse et soumet son avis. La Direction prend connaissance des avis de tous ses consultants et chargés de mission avant de prendre une décision. En cas d'erreur, il est facile, par le contradictoire, d'en trouver la cause et d'y remédier. Chargé d'un pouvoir de décision, le chargé de mission devient juge et partie. En cas d'erreur, à moins d'être d'une honnêteté exemplaire, il lui sera difficile de reconnaître ses torts. La cause sera maintenue cachée et continuera à handicaper l'entreprise. En étant un ancien consultant, l'homme aux yeux pétillants est sensé éviter d'être juge et partie. Alors, pourquoi l'avoir accepté ? Pourquoi vouloir un pouvoir sur le service de la facturation ?

Juste avant de travailler pour l'entreprise, l'homme aux yeux pétillants conseillait l'un de ses concurrents. Puis il est devenu salarié, juste quelques temps avant que son employeur soit racheté par une structure clairement agressive, bien décidée à détenir le monopole du marché. Il s'est retrouvé pendant six mois à devoir exécuter les ordres du glouton économique, et une fois son mandat terminé, il s'est proposé d'accompagner l'entreprise, devenue la proie de son ancien patron. Il a commencé son travail en tant que prestataire, et immédiatement après la signature de son contrat, se sont succédées les démissions de salariés compétents des services financiers, et ce, juste à l'instant où leur travail venait d'être revalorisé et qu'ils avaient été avertis de leur future promotion : incompréhensible. Maintenant devenu salarié, il participe à la mise à l'écart du consultant chargé d'améliorer la facturation. Pire, il lui interdit l'accès à l'entreprise.

Quand l'histoire se répète avec le même acteur dans des situations similaires, il y a des chances qu'elle soit la chronologie d'un mode opératoire, qui n'est souvent qu'une expression volontaire de son auteur. Dans notre cas, celui-ci serait de

  • proposer un accompagnement en tant que prestataire,
  • devenir salarié,
  • et provoquer le rachat de la structure.

L'accompagnement consisterait à évacuer le personnel compétent, comme le fait un coucou dans le nid de son hôte. Le statut de salarié offre le commandement sans risquer la condamnation pour ingérence. Et, une fois aux commandes des rentrées d'argent, il est facile de provoquer des difficultés financières, qui imposeront le rachat, surtout si l'employeur vous accueille comme étant le messie.

Il est clair que si le mode opératoire est avéré, alors en ayant un regard direct sur la facturation, le consultant était gênant, car il pouvait éventer le sabotage.

Cher Lecteur, tu remarqueras que l'homme aux yeux pétillants est à la convergence d'un faisceau d'indices. Se pose alors la question : pourquoi risquer la prison - car l'escroquerie découverte y amène - quand on possède des compétences reconnues sur le marché de l'emploi ?

La réponse semble humaine. L'homme a divorcé, il a un enfant handicapé et il fait l'objet d'une faillite personnelle. Il a besoin de beaucoup d'argent en permanence, mais il n'en a pas. En proie à la corruption, il devient une aubaine pour un glouton économique. Agissant en tout impunité, il se moque éperdument des conséquences carcérales qui menacent ses collègues devenus complices : peu importe si le pacte réclame sa part de sacrifiés, du moment que l'argent est là.