Le 15/05/2023, le message est formel, l'avion m'attend pour l'archipel nippon juste après la Pentecôte. Au programme, une nuit à Bangkok plutôt écourtée, suivie d'une huitaine de jours de congrès.

Pendant que le Soleil flirte avec le tropique du Cancer, des scientifiques vont se réunir pour exposer leur vision de l'exploration de l'espace. Parmi eux, une délégation réunionnaise est bien décidée à présenter la réponse au Challenge Terre - Lune : un voilier solaire !

Il y a quarante-cinq ans (1988), l'association U3P voyait le jour, et présentait les bases de la propulsion photonique.

Neuf ans plus tard (1997), des collégiens réunionnais et russes démontraient que la construction d'un satellite était devenu un jeu d'enfant, en mettant en orbite une réplique opérationnelle de Spoutnik depuis la station MIR. Le cosmonaute Pavel Vinogradov, chargé de l'opération, lança le satellite, comme un simple ballon, dans le vide sidéral et les radioamateurs ont pu entendre pendant plusieurs rotations, le fameux bip-bip.

Neuf années (2006) passèrent avant que Bernard Werber publie "le Papillon des étoiles". Son livre raconte comment une poignée d'individus fuient une Terre devenue invivable, pour rejoindre une planète perdue dans l'Univers, dans l'unique but de permettre la survie de l'espèce humaine. Le vaisseau est un gigantesque voilier solaire où les générations se succéderont pour arriver à destination.

Deux années (2008) s'écoulent pour que le laboratoire Energy Lab (Université de La Réunion) qui à l'époque s'appelait LE2P, se lance dans le transport d'énergie sans fil. Cette étape est primordiale pour récupérer l'énergie solaire, là où elle est abondante et puissante, l'espace, et l'envoyer là où se trouve le besoin, la Terre

À la même époque, un premier groupe d'amateurs entame la construction du satellite Libellule - Demoiselle, dont le nom est un clin d'oeil à Bernard Werber. Même si le satellite n'ira pas dans l'espace, il offrira une première expérience dans le domaine de la voile solaire pour l'océan Indien.

Deux ans après (2010), la JAXA lance IKAROS vers Vénus. La particularité d'IKAROS est sa capacité à maintenir sa trajectoire, cependant, il ne peut pas en changer.

Onze ans plus tard (2021), la start-up française Gama étudie la faisabilité de déployer une voile solaire à 550 km d'altitude, pendant qu'à La Réunion, l'équipe de conception du PAYANKEU se constitue autour d'Energy Lab et sous la bienveillance de l'U3P. Cette dernière déménage cette année à La Réunion et parraine la présentation de PAYANKEU au 34° ISTS à Kurume, au Japon, sur l'île de Kyushu.

Trois systèmes y seront exposés à un cercle restreint de spécialistes :

  • un instrument pour mesurer la densité de poussière entre la Terre et la Lune ;
  • un module de gestion d'énergie ;
  • et une simulation en piscine pour mettre au point les systèmes de navigation.

PAYANKEU s'inscrit ainsi dans la tendance mondiale de coloniser le système Solaire, et en particulier, d'utiliser les CubeSats pour l'observation terrestre et lunaire.

Celle-ci débouche sur de nombreuses applications économiques, comme l'épidémiologie, l'agriculture de précision, la recherche de gisements d'énergie, la prévention des dangers ou les télécommunications.

Toutes ces voies sont des opportunités pour des secteurs économiques plus classiques comme les infrastructures, les TIC et les transports. En effet, pour piloter un satellite, il faut au sol des locaux abritant des ordinateurs, et du personnel pour développer les logiciels, les exploiter, mettre en pages les résultats et les diffuser. Comme ces locaux sont dispersés géographiquement, il faut des routes commerciales pour acheminer les matières premières, les composants et les produits.

L'impulsion est déjà lancée.

Des entreprises privées construisent d'ores et déjà des fusées, des lanceurs aéroportés et des catapultes adaptés au marché des nanosatellites. Ces dés d'une dizaine de centimètres de côté ont la puissance de leurs ancêtres lourds et volumineux.

Cependant, à l'aube où la Terre s'enveloppe d'une myriade d'ordinateurs volants, invisibles au commun des mortels et pourtant bien présents dans sa vie quotidienne, l'homme reste terre à terre, fier de pouvoir aller directement vers un restaurant qu'il ne connait pas, tout en ignorant le fonctionnement de son GPS. Il se désintéresse du ciel, alors que déjà il en a besoin pour vivre : la recherche spatiale souffre de financement, et, a priori, encore plus lorsque le maintien de toute une population dans le désert économique est le moyen, pour une petite minorité, de s'enrichir avec les subventions d'aides au développement.

Le jour se lève, en ce lundi de Pentecôte, où un petit groupe avance en suivant un oiseau aussi blanc qu'une colombe, le paille-en-queue, vers une île, qui, au XIII°s, fut protégée par des vents violents, Kyushu, pour discuter, avec des personnes de nationalités différentes, des chemins qui mènent au ciel.

L'exploration de l'Univers est aussi une voie pour découvrir qui nous sommes vraiment, nous, les poussières d'étoiles.

Références

  1. https://u3p.net/simulateur/Terre-Lune.html
  2. https://u3p.net/document-de-reference-u3p-1988/
  3. https://www.zinfos974.com/La-Generation-Spoutnik-40-fete-ses-17-ans_a77754.html
  4. http://reunion-space-initiative.webnode.fr/news/generation-spoutnik1/
  5. http://www.science-sainte-rose.net/livres/Lancement-de-Spoutnik-40-Ans-la-video.mpg