Le 01/06/2023, la délégation pour l'ISTS est arrivée à Bangkok pour attendre, pendant dix-huit heures, l'avion qui lui permettra de rejoindre Fukuoka. Consignée à l'aéroport, elle s'évade via le numérique. Les forfaits mobiles contraignants de l'Outre-mer indien imposent de trouver une solution rapidement. Dans l'aéroport, plusieurs magasins proposent pour les touristes des forfaits 5G à partir de 8€ pour une dizaine de jours. Le séjour ne devant pas dépasser vingt-quatre heures, tout en étant alléchantes, ces offres sont pur gaspillage. Heureusement, l'aéroport est doté d'un WiFi libre et rapide, qui couvre la totalité de sa superficie. Cependant son exploitation est limitée à une heure. Une fois ce délai écoulé, il faut demander une nouvelle session. C'est avec ce moyen de communication que les parents de PAYANKEU affrontèrent les péripéties qui ont failli mettre un terme définitif à leur aventure.

Tout avait bien commencé, après avoir traversé les kilomètres de couloirs menant de l'avion à l'extérieur de la zone de transit, notre petit groupe trouva un restaurant qui permettait de recharger les téléphones et les ordinateurs. Le Thailandais n'ayant aucune racine latine facilitant sa compréhension, le globish fut alors utilisé. Les accents très divergeants des interlocuteurs rendirent les échanges laborieux. L'un d'entre eux se lança tant bien que mal à composer la commande d'un petit déjeuner plutôt copieux. Etait-ce par gourmandise ou par paresse linguistique, les autres se contentèrent de demander juste "la même chose".

Les assiettes arrivèrent et chacun en profita pour rassurer ses proches pendant le repas. Ils envoyèrent des mails ou des messages instantanés. Un se lança même dans une télécommunication en visio. Le WiFi libre offre suffisamment d'application en ToIP (téléphonie sur IP) et en VoIP (voix sur IP) pour rester en contact avec les siens sans subir la contrepartie d'un opérateur un peu trop vénal. Les échanges occupèrent une bonne partie de la journée, tout en étant entrecoupés par le renouvellement horaire des sessions.

L'enregistrement tant attendu arriva, et une fois les formalités faites, le groupe plongea littéralement dans les bas fonds du Duty free. Oui, je dis les bas fonds, car à Bangkok, les galleries du duty free sont au sous-sol et sont immenses. Elles s'étendent sur des kilomètres : de quoi faire palir le plus grand des hypermarchés de La Réunion. Le groupe se divise selon la curiosité de chacun. L'heure du repas s'approchant, il se reconstitua dans un restaurant, à l'exception du jeunot. Un vent de panique plana aussitôt : comment le retrouver dans la foule ? Impossible de lui envoyer le moindre SMS. Mais heureusement, le WiFi libre fonctionnait aussi en sous-sol, et l'égaré partageait la même application de téléphonie qu'un autre membre du groupe. La localisation et la rencontre ont pu alors être effectuées, et c'est tout naturellement que la discussion du repas tourna autour de l'application des puces de géolicalisation réservées aux animaux, à l'homme.

Le temps passa calmement lorsque la montre dans son mécanisme le plus strict sonna l'instant de l'embarquement. Les cinq équipiers se levèrent si vite que le doyen en oublia son ordinateur. Rattrapé in extremis, l'accumulation de toute une vie de travail put être récupérée. L'équipe s'enfonça vers les portes d'embarquement.

Oui, elle s'enfonça, car à Bangkok, avant de décoller, il faut descendre au niveau le plus bas. Certains y verront une forme de métaphore du lâcher-prise, inscrit dans le bouddhisme.

Quant au pluriel du mot "porte", la raison est purement grammaticale. Comme il y avait deux vols pour Fukuoka, les trois jeunes sont allés vers l'un d'eux, pendant que les deux anciens allaient vers l'autre. Il y avait donc deux portes d'embarquement pour Kyushu, toutes deux aux deux extrémités de l'aéroport, donc bien distinctes, ce qui justifie le pluriel. Ce qui par contre ne se comprend pas, a priori, c'est pourquoi les jeunes n'ont pas suivi le chemin arpenté par la sagesse de leurs aînés ? Pourquoi sont-ils restés aussi bornés, au point de se perdre dans les produits détaxés du luxe ? Ah, jeunesse et ton attirance pour ce qui brille, tu préfères l'apparence à l'existence.

Quant aux anciens, dans leur sérénité stoïque, ils commençaient à faire la queue pour entrer dans l'avion. Juste pour avoir l'esprit tranquille, l'un d'eux envoya l'email légèrement paternel ci-dessous :

"Magnez-vous, on embarque en C5 maintenant !"

C'est à cet instant précis que deux événements s'entrechoquèrent, ayant pour conséquence un arrêt total du temps. Les jeunes répondirent que la bonne porte était bien la G3 à l'instant même où l'hôtesse de la C5 s'opposait, certes, avec courtoisie, mais fermement, à toute pénétration de l'un des aînés. Deux kilomètres de couloirs devaient être avalés par deux hommes qui avaient respectivement trois et quatre fois vingt ans, en une vingtaine de minutes ! Seul un arrêt du temps pouvait rendre la chose possible. En tout cas, je n'ai jamais vu le doyen marcher aussi vite.

Dans la précipitation, nous avons oublié à Bangkok une affiche qui doit être présentée à l'ISTS. Mais sans le WiFi libre, nous n'aurions pas pu contempler la mise en scène des japonais pour accueillir les participants du symposium international sur les sciences et les technologies de l'espace, à Kurume.