Un voyage dont le but serait tout simplement l’homme moderne, et ce, indépendamment du lieu où il se trouve, car Homo sapiens, cette espèce dont nous faisons partie, est actuellement à l’aube de sa disparition.

En effet, l’homme occidental, après avoir tué le Père dans les Cieux au siècle des Lumières, veut, à l’ère de l’informatique, devenir un dieu sur Terre, c’est-à-dire celui qui possèdera Gaïa, la mère de tous. Ce complexe d’Œdipe récurrent prend ses sources dans le matériel, dès que les connaissances technologiques ouvrent la possibilité de prolonger la vie et d’acquérir des performances accrues.

Le cycle est séculaire. L’électricité du début du XIX°s est à l’origine du livre « Frankenstein » (1818), et l’automatique du XX°s confirmera la pièce de théâtre de K. Čapek, « R.U.R » (1920). L’informatique, prolongement de ces deux disciplines, alimente à son tour le désir en début de ce XXI°s, sous le vocable de transhumanisme. Les trois exemples ci-dessous illustrent ce terme.

  • La capture de mouvement a rendu immortel le groupe ABBA, qui maintenant se produit en concert de façon virtuelle (ironie du sort, « Abba » est le mot réservé par Jésus-Christ pour s’adresser à Dieu, il veut dire « Père » en hébreu, אבא).
  • L’intelligence artificielle et la robotique ont offert au Professeur Hiroshi Ishiguro son Gemenoid, un androïde à son image.
  • L’implant cérébral de Caltech a permis à Erik Sorto, tétraplégique, d’utiliser un bras robotisé.

La technologie peut alors offrir à l’homme du futur :

  • la mediumnité, en communiquant avec des avatars virtuels de personnes décédées, qui réagissent comme l’auraient fait les défunts ;
  • l’ubiquité, en utilisant en même temps, des Gemenoid dans plusieurs endroits ;
  • la régénération, en remplaçant l’organe détruit par un périphérique robotisé (bras, jambes, etc.).

Ces trois capacités sont à rapprocher, dans l’ordre, de l’omniscience, l’omniprésence et l’omnipotence, soit les trois qualités de Dieu.

Comme avec Faust, devenir un dieu sur Terre réclame une contrepartie : ici, céder sa nature humaine de chair et d’os, pour devenir un objet et ainsi résister au temps, comme le souligne Jacques Attali. Or, d’après les témoignages des personnes ayant eu une expérience de mort imminente (EMI), il existe une vie après la mort, qui d’après leur description, ne connaît pas la douleur et baigne dans l’amour. D’où, est-ce que vouloir rester à tout prix sur Terre, en troquant son corps contre un amalgame biologique et technologique, ne serait pas une façon de vendre son âme au diable ?

En tout état de cause, le transhumanisme devient une réalité. Il ancre encore plus l’humanité dans le matérialisme, et toutes les puissances industrielles s’y intéressent. Nous assistons à une course à l’avènement du premier nouvel homme. Sera-t-il un cyborg made in USA ou un androïde made in Japan ? La réponse nous sera donnée au cours de ce siècle.

Ainsi armé, Homo Deus, comme le nomme Yuval Noah Harari, aura un avantage extraordinaire sur l’homo sapiens. L’évolution étant régie par la loi du plus fort, homo sapiens, tel que nous le connaissons aujourd’hui, disparaitra probablement. D’ailleurs, des utérus artificiels sont en cours d’étude. La procréation naturelle sera remplacée par la production industrielle. Cependant, il est fort à parier que la sagesse manquera au nouvel homme, qui préférera utiliser ses nouvelles capacités pour renforcer son ego. Non, Homo Deus ne sera pas Dieu, mais, juste un démiurge.

Peu importe l’orientation que suivra l’humanité. « Aller à la rencontre des hommes », telle est la raison de ce voyage, juste un echo à un ancien philosophe qui entre 400 et 300 av J.C. répondait, une lanterne à la main en pleine journée, à tous ceux qui lui demandaient ce qu’il faisait : « Je cherche un homme ». Lui en cherchait un bon et sage, moi, simplement ceux qui veulent se déconnecter de leur smartphone, ou qui le sont déjà.