L'idée d'avoir une vie plutôt nomade, m'accompagne depuis l'école primaire. D'abord sous la forme d'un hydravion gribouillé sur une feuille de papier, elle s'est ensuite exprimée par une scolarité éparpillée tout autour de la Terre, suivie d'une carrière professionnelle qui devait continuer le voyage. Celui-ci s'interrompit pendant dix-sept ans, m'enlisant dans la routine, dans l'attente d'un "après", qui en fait ne pouvait se terminer que par la mort. Pendant ces dix-sept années engluées dans des rivaités qui n'étaient pas les miennes, les remises en question ont émergé, dessinant peu à peu une voie spirituelle, là où la raison avait déclaré forfait.

Celle-ci repose sur le constat suivant.

La Terre est la seule planète du système solaire où l'eau existe sous ses trois formes : vapeur, liquide et solide. Cette petite molécule est associée à la vie, ou plutôt à une forme de vie qui ne peut exister que par la violence. Celle-ci commence par la destruction de notre étoile, le Soleil, qui libère une énergie extraordinaire à l'origine de toutes les autres terrestres. Nous lui devons le cycle de l'eau qui irrigue les terres émergées et les érodent ; et le rayonnement qui est capté par les plantes lors de la photosynthèse et brûle les peaux. Nous lui devons aussi le vent qui favorise la migration des végétaux et dévaste les lieux de ses tornades. Les sols irrigués et ensoleillé sous une brise légère offrent le terreau propice d'une flore coloniale, dont les nouvelles semences se nourriront des corps de leurs ancêtres. Dispersée parmi les plantes, la faune entame son exploration. Elle mutile et tue la flore, voire s'entretue elle-même. L'homme, principalement composé d'eau, se redresse alors du singe, cueille, chasse, et brûle. Il va jusqu'à construire des machines, qui, comme lui, ne sont animés que par la destruction.

Tel un sōzu , notre planète enchaîne inlassablement, cycle après cycle - et ce, jusqu'à ce que la clepsydre qui l'alimente ne se tarisse - des animations, que nous nommons des "tranches de vie".

C'est là, à l'époque où l’informatique s'immisce massivement dans la vie quotidienne, que l'errance du nomade laissa la place à la pérégrination intérieure, spatiale et temporelle. Renonçant à la dictature de l'IA, je me suis mis en quête de révélations sur notre nature d'esprit incarné soumis aux lois de ce monde, afin de les consigner sur ce blog. Celles-ci surgissent au travers de situations, qui ont besoin d'un lieu, d'un théâtre, pour s'exprimer. Elles sont cachées sous le voile de l'illusion, qui demande bien souvent d'explorer le passé ou se projeter dans le futur, pour être soulevé.

Partant d'une île, la marche à pied ne pouvait être envisagée comme moyen de locomotion, un vaisseau est nécessaire. L'hydravion de l'enfance redécolla aussitôt, un faucon pour un pélerin : ce qui donna le nom de Falco Peregrinus (le faucon pélerin en latin) au futur moyen de transport. Hélas, si l'espace aérien est libre pour les oiseaux, il en est tout autre pour les aéronefs : un vrai travail d'ingénierie est à réaliser, avant de pouvoir voyager.

Celui-ci a commencé le 17/03/2020, en pleine crise sanitaire (cf. Où est ma maison ?), à la lecture des récits d'aventuriers solitaires, qui, étant face à un obstacle en apparence infranchissable, ont vécu un rapprochement spirituel. Mais l'idée resta d'abord une utopie, car mes engagements m'enchaînaient et les moyens me manquaient.

Le rêve prit forme en apprenant que le christianisme irlandais voyait dans le currach, un vaisseau mystique, et l'utilisait pour traverser la Manche dans sa partie la plus large. La frêle embarcation composée de branchages et de peaux pouvant aller à la fois sur les flots et dans les Cieux, devenait alors une sorte d'hydravion, voire mieux, car les Cieux sont plus hauts que le ciel. De plus, l'usage d'un esquif est dans la suite logique de l'expérience acquise (cf. St Barth, pour les intimesSolitude).

Les moyens devenaient alors accessibles, encore fallait-il les définir pour qu'ils satisfassent une quête spirituelle en explorant le plan matériel. Quels équipements étaient nécessaires pour permettre à un simple canot de se rendre à un endroit pour relater ce qui y a été observé et en dégager l'essence ?

L'expérience du BEM Henri Poincaré éclaira alors la situation. (cf. Vision du Monde). Entièrement autonome, il agissait sur cinq plans : l'espace, les airs, la mer, le monde sous-marin et les ondes électromagnétiques. En tant que navire, il rejoignait par la mer la zone d'observation, en naviguant et communiquant à l'aide des satellites, pendant que ses plongeurs veillaient à l'état de la coque. Une fois sur place, ses hélicoptères offrait une vision globale de l'endroit et ses antennes observaient la trajectoire des ogives lancées à partir de sous-marins.

Certes, l'activité du Falco Peregrinus est avant tout pacifique et légale, cependant, rien ne l'empêche de s'inspirer du monde militaire, qui a une expérience millénaire des situations extrêmes. De plus, la technologie a fait un bon incroyable durant ces dernières décennies, ouvrant l'espace, les airs, la mer, le monde sous-marin et les ondes électromagnétiques aux particuliers.

En parallèle, les constructeurs amateurs démontrent régulièrement la possibilité de traverser les océans sur des petits voiliers en contreplaqué, réduisant ainsi les coûts et l'empreinte anthropique.

En 1963, puis en 1964, Frank et Margaret Dye, à bord du Wanderer, un dériveur léger en contreplaqué de 4,83 m de type Wayfarer, relièrent respectivement l'Ecosse à l'Iceland, et l'Ecosse à la Norvège via les îles Feroe.

En 1996, les deux frères Berque relient la France aux Antilles à bord d'un voilier de 4 m, conçu et construit par eux-même.

En 2022, Yann Quenet termina son tour du monde à bord d'un quillard de 4 m, dont le coût de fabrication ne dépassait pas 4 000 €.

Un dériveur en contreplaqué de 4 à 5 m de long offre une base suffisante pour parcourir le monde seul, voire à deux. Ses dimensions et sa masse réduites lui permettent d'être :

  • manoeuvré à la voile ou aux avirons,
  • transporté sur une simple remorque,
  • et parqué à terre.

Son volume est suffisant pour embarquer un autre véhicule, comme un vélo démontable, et l'électronique, qui serviront à explorer la zone d'atterrissage.

L'utopie devenue rêve, et le rêve devenu projet, il ne reste plus qu'à le transformer en réalité (cf. Le Pacifique : le goût de l'aventure).