Dans l’angle de deux rues, un cabinet médical, siège au-dessus d’une pharmacie : l’endroit est idéal pour une entente entre professionnels exerçant des activités complémentaires. 

Un premier trafic eut lieu entre 2007 et 2010. Le pharmacien, sa femme et leur voisin orthésiste, avaient instauré et exploité un important dispositif d’escroquerie en bande organisée. Ils ont été condamnés en 2015 à des amendes et des peines de prison avec sursis.

Les condamnés s'en allèrent, mais le lieu influença les nouveaux occupants.

Dès juin 2015, un plainte pour compérage dénonça l'entente entre les nouveaux pharmacien et docteur. Les Chambres disciplinaires seront clémentes, elles leur ont octroyé uniquement un blâme.

Le compérage est défini par Article R4235-27 du Code de la santé publique, comme "l'intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d'avantages obtenus au détriment du patient ou de tiers". Dans ce cas, la pharmacie affichait de la publicité pour le docteur : ce qui lui est interdit.

Le lieu réclamait un autre délit : une dénonciation calomnieuse utilisant les réseaux sociaux, comme pseudo-preuve numérique.

La plainte pour compérage avec la pharmacie fut déposée par un Docteur, qui sera nommé A, à l'encontre de l'un de ses confrères, nommé ici, le Docteur B. , car la croix de la pharmacie servait de support publicitaire au Docteur B et affichait le numéro de téléphone de son cabinet.

Au mois d'août, une page non officielle, dont le nom rappelait celui du cabinet médical du Docteur A. apparaît sur Facebook. Y était publiée la photographie de la porte d’entrée du Cabinet du Docteur A. . Le Docteur B. vit aussitôt en elle l’expression d’une publicité interdite, et demanda à un huissier de la constater.

En septembre, l’huissier oeuvra. Il enregistra l’affirmation du Docteur B. , comme quoi trois pages sur Facebook, toutes non officielles, avaient comme auteur le Docteur A. . Facebook était devenu une pépinière, a priori, deux nouvelles pages venaient d'éclore, un mois après la première. 

L'officier ministériel en déduisit qu’elles indiquaient toutes l’adresse du cabinet du Docteur A. . Or comme les adresses qui y étaient écrites, étaient incohérentes, il se réfèra à des plans issus de Google Map.

En octobre, en s’appuyant sur le constat, le Docteur B. porta plainte contre le Docteur A. , en attirant l’attention sur la photographie de la porte, qui, à ses yeux constituait la preuve flagrante d'une publicité illicite. 

Certes, les faits peuvent, dans un premier temps ressembler au chamaillage de deux gamins, qui, ayant tous les deux commis un impair, tentent de faire porter la responsabilité à l'autre, car il a fait pareil avant et plus fort.

Mais il existe une autre possibilité de les interpréter : la plainte du Docteur A. est fondée, alors que celle du Docteur B. repose sur de fausses preuves, dans l'unique attention de salir la réputation de son confrère. C'est de la dénonciation calomnieuse.

Les quatre méconnaissances fondamentales ci-dessous, confirment cette hypothèse en démontant la preuve matérielle qu'est le constat de l'huissier.

Tout d'abord, Google Map met en garde ses lecteurs des erreurs qu’il commet. De ce fait, les informations données ne peuvent pas être utilisées comme un acte authentique, ou comme preuve, mais simplement en tant qu'information à vérifier.

Ensuite, une page non officielle sur Facebook n'a pas d'auteur, par définition, et peut être créée par n'importe qui, même sous une fausse identité. Attribuer la paternité d'une page non officielle par simple constat est impossible. Facebook peut éventuellement communiquer pour des raisons judiciaires, l'identifiant et les caractéristiques de la session avec ses serveurs (adresse IP, machine connectée, OS utilisé, etc.), lors de la création de la page. Mais ensuite, une investigation est nécessaire, pour, à partir de ces éléments, remonter jusqu'à l'auteur. Or, un huissier n'a pas les compétences requises  : il n'est pas officier de police judiciaire.

De plus, n'importe qui peut publier une photographie sur une page non officielle. Certes, son nom y sera mentionné, mais celui-ci peut très facilement être faux, car Facebook ne contrôle pas l'identité lors des publications. Et, ici, la photographie de la porte avait été publiée par l'artisan qui l'avait construite, afin de montrer son talent, et non d'encourager des patients à choisir un cabinet plutôt qu'un autre.

Enfin, d'un point de vue purement logique, lorsqu'un huissier enregistre une affirmation, il ne fait que rédiger un postulat : il constate que son client dit quelque chose sur un fait, mais en aucun cas, le fait en lui-même. Or un postulat ne peut pas servir de preuve, car, par définition, il demande au lecteur d'être concidéré comme vrai, sans aucune preuve.

Ces quatre points ont suffi pour que la Chambre disciplinaire :

- rejette la plainte du Docteur B. , d'un revers de main, une simple giffle,

- gronde le vilain garnement, par un blâme,

- et protége l'image de l'ensemble de la profession médicale, par un refus de juger la diffamation calomnieuse.


1 : Atlas des lieux maudits , Olivier Le Carrer, éditions Arthaud, ISBN 978-2-0812-9552-0