
Le chasseur-cueilleur vit en petite communauté de la cueillette agrémentée du produit de la chasse ou de la pêche. Il est plutôt nomade, tout en pouvant se sédentariser temporairement, au gré de son environnement. Il pratique la sylviculture, la cueillette, la chasse, la pêche, l'artisanat, et l'art, en utilisant essentiellement des matières végétales. Parti de l'Afrique, il a colonisé toute la Terre, en traversant les mers et les océans sur des bateaux rudimentaires, comme les pirogues des Aborigènes, ou plus perfectionnés, comme les catamarans des Polynésiens, et ce, plusieurs millénaires avant que les conquérants occidentaux ne le fassent. Il persiste encore dans des lieux où les civilisations industrielles y trouvent peu d'intérêt, comme l'île de North Sentinel, et, de facto, sa présence remet en cause la légétimité du devoir des races supérieures à civiliser les races inférieures, cher à Julles Ferry[1], lors du partage de l'Afrique et de ses ressources naturelles.
L'incompatibilité entre une civilisation industrielle et celle d'un chasseur-cueilleur est matérialisée par le sol. L'économie du chasseur-cueilleur repose sur ce qui se trouve au dessus, c'est-à-dire la faune et la flore, alors que celle de l'industriel dépend du sous-sol, c'est-à-dire les minerais (charbon, uranium, pétrole, etc.). James Cameron a bien illustré cette différence fondamentale, dans son film Avatar, jusqu'à en souligner la violence lors du rapprochement des deux cultures. Cependant l'homme a encore besoin de la faune et de la flore pour se nourrir, et pour réduire leur prise au sol, il a développé les cultures hors sol et l'élevage en batterie, en attendant la viande in vitro. Pire, au début du XXI°s, apparaît le recyclage des excréments en produits alimentaires[2].
Pourtant, toute cette technologie n'a pas éradiqué la famine, loin de là, car l'humanité consomme en 7 mois ce que la planète produit en 12 ! Nous pouvons alors nous interroger sur le bien fondé de cette frénésie, d'autant plus que d'année en année la totalité de la production est consommée de plus en plus tôt.
Aussi, pour ne pas assister à un dernier réveillon de la Saint-Sylvestre, où, en une soirée, le fruit d'une année sera consommé, une rétrospective sur ce qui a permis à l'homme de traverser de rudes périodes climatiques peut ouvrir des issues. Le but n'est pas d'encourager le retour à l'âge de pierre, mais juste d'adapter des méthodes qui ont fait leur preuve aux outils modernes. Illustrons le concept avec le bushcraft[3]. Cette activité "consiste à mettre en pratique des compétences et connaissances plus ou moins anciennes, permettant une vie prospère dans la nature, en la perturbant de façon minimale". Cette définition correspond au mode de vie des chasseurs-cueilleurs, et pourtant, ses pratiquants préfèrent une bonne lame en acier (outil moderne) à la hâche en silex (outil de l'âge de pierre). Cependant, le bushcraft, en tant qu'activité de loisir, n'occupe qu'une partie du temps libre du pratiquant. Qu'en est-il sur le long terme, voire sur toute une vie ?
Le choix de La Réunion peut rappeler l'histoire de Robinson Crusoé : un homme civilisé contraint de vivre comme un chasseur-cueilleur. Mais contrairement à la pensée collective, qui tenterait de la rendre déserte, l'île de La Réunion est moderne avec des industries, des infrastructures dignes de ce nom, un système éducatif allant jusqu'au doctorat en sciences, droit et lettres, et un dispositif de santé à la pointe du progrès. Certes, ses ressources minières sont inexistantes, mais elle occupe une place stratégique pour défendre les intérêts de la France dans l'océan Indien : ce qui justifie son équipement. Cependant, ses exportations correspondent à 5% de ses importations[4] , ce qui veut dire qu'au 19 janvier, elle a consommé tout ce qu'elle a produit. Aussi, pour vivre, elle bénéficie d'aides financières de l'Hexagone et de l'Europe, qui, hélas, n'arrivent pas à empêcher qu'un peu moins de 40% de sa population vive sous le seuil de pauvreté[5].
L'économie actuelle de La Réunion est fortement dépendante de l'extérieur, ce qui l'oppose diamétralement à l'autarcie du chasseur-cueilleur. Et c'est pour cela qu'elle offre un terrain idéal pour cette étude.
Sommaire
[1] WESSELING (Henri), Le partage de l'Afrique, édition Folio histoire, 2002, ISBN 978-2-07-042116-9
[2] https://usbeketrica.com/fr/article/la-seconde-vie-des-excrements
[3]https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Bushcraft
[4] https://www.zinfos974.com/la-reunion-5-milliards-deuros-de-biens-importes-contre-278-millions-exportes/